
Drame du quotidien dans le monde du travail : depuis 11 ans, chaque matin, un auteur est agressé au vu et au su de tous. Contre son gré, il reçoit en pleine face la cruelle réalité de sa vie de travailleur indépendant. Jusqu’alors, le résistant réussissait le tour de force de dignement se relever et sourire de toutes ses dents à ses cyniques tortionnaires. En 2016, il a décidé de rendre coup pour coup avec la série en deux volumes Des croûtes aux coins des yeux. Dans ce second opus, le rigolard piétine purement et simplement le syndrome de Stockholm en chantant à tue-tête des hymnes punks et met à nu tous ces personnages en les affublant de têtes de mort (plus nu, tu peux pas). Ça cause beaucoup de style, de dessin, de bande dessinée et d'introspection, de changement de direction dans le travail artistique (avec le passage à la linogravure), mais aussi d’actualité et de politique : les années 2013 à 2016 auront donné matière à s’énerver. Des croûtes aux coins des yeux finira en beauté - et en ultime pied de nez avec le refus de l’auteur d’être fait « chevalier des Arts et Lettres » par le ministère de la Cuculture.
En creux, surtout, on y lira la cartographie mentale, sociale, d’un auteur farouchement soucieux de son indépendance et de son intégrité artistique se débattant face au monde contemporain et ses reculades sociales, sa gestion purement comptable des citoyens, de l’Art et des idées. Des croûtes aux coins des yeux est un laboratoire in vivo, bouillonnant d’idées et de spontanéité, salvateur et fort en gueule.